Chapitre 3. La première industrie

Table des matières

1. La seconde génération
2. La troisième génération
Bibliographie

Cette période est celle de l'industrialisation progressive de l'ordinateur, qui passe de quelques unités existant dans le monde à des centaines de milliers, principalement à destination de la recherche et de grandes entreprises. Cette période va, grossièrement les années 1950 au milieu des années 1970.

1. La seconde génération

Les premières machines, gros calculateurs et premiers ordinateurs, étaient extrêmement coûteux à acquérir, encombrants et dispendieux à faire fonctionner. Mais surtout, ils allaient bien au-delà des besoins civils de l'époque. Beaucoup, y compris certains pionniers, ne voyaient aucun avenir commercial à l'ordinateur : c'était d'abord une technologie de pointe destinée aux laboratoires de recherche et à l'armée. C'est la machine elle-même qui créera le besoin… avec l'aide du transistor à semi-conducteur. En effet, les tubes à vide demandent, pour beaucoup, d'être chauffés, ce qui occasionne une dépense énergétique importante ; ils sont coûteux à fabriquer, d'où un coût d'investissement élevé, et enfin sont fragiles, ce qui oblige à les changer régulièrement, d'où un coût de maintenance lui aussi élevé. Cette fragilité occasionne également des interruptions d'exploitation et limite, de fait, la taille des machines. Tout cela change avec l'invention du transistor.

Les semi-conducteurs sont découverts et le transistor conçu en 1947 (prix Nobel de physique en 1956) au sein des laboratoires Bell. Il sera diffusé très largement dès 1948. Comparés aux tubes électroniques les dispositifs à semi-conducteurs (principalement les diodes et transistors) sont simples, bon marché, peu encombrants, résistants/durables et consomment peu. Autre avantage : les semi-conducteurs peuvent remplacer assez aisément (une fois la technologie maîtrisée) la plupart des anciens dispositifs à tubes. Les coûts d'exploitation et d'acquisition chutent considérablement.

Dans ce secteur tertiaire, l'industrie des machines de bureau, IBM en tête, est déjà très présente. Précisément, cette industrie dispose déjà de circuits de promotion et de distribution. De plus, elle bénéficie d'une solide assise financière qui lui permet de vendre à perte jusqu'à asphyxier de nouveaux entrants, y compris plus performant financièrement et/ou techniquement [Breton]. La clientèle est alors plus importante que l'avantage technologique. À l'époque de la fin des tubes à vide, une industrie informatique s'est donc déjà établie, en dehors des laboratoires universitaires et militaires, d'emblée sous la large domination d'IBM [Randell, pp. 469-471]. Durant la seconde génération (jusqu'en 1966), IBM a pu assurer entre la moitié et les deux-tiers de la production mondiale d'ordinateurs[15].

Le premier ordinateur produit en masse est l'IBM 650. C'est celui pour lequel on invente le mot ordinateur en France. Il est diffusé dès 1954 aux États-Unis d'Amérique et en 1955 en France. Il sera vendu à plus de 1 500 unités dans le monde.

Deuxième grand avantage des transistors : la miniaturisation, première forme de libération technique. Cette course à la miniaturisation sera d'emblée et depuis lors un des principes cardinaux de l'industrie informatique. Principe cardinal vite compris, et très explicitement, par les responsables de DEC (un des principaux fabricants de l'époque), qui lance le nom «mini-ordinateur», inspiré de la minijupe lancée en 1962, pour le PDP-8, qui sera un best-seller de sa catégorie. En 1965, une publicité du PDP-8 montre celui-ci posé à l'arrière d'une décapotable[16]. Tout un programme…

L'opposition est marquée avec les gros systèmes centralisés d'entreprise. Il s'agit désormais de s'adresser à de plus petites organisations, services et même individus. Ce sera un franc succès (près de 50 000 PDP-8 vendus, plus que tous ses prédécesseurs), y compris auprès d'utilisateurs non techniciens (sachant quand même que le prix du PDP-8 ramené en 2012 serait d'environ 19 à 45k€, selon les versions). La voie est désormais ouverte à l'ordinateur pour conquérir une société déjà extrêmement bureaucratisée donc avide de statistiques, de comptes, de bilans et autres rapports. Qui plus est, le secteur tertiaire, très développé et en position de force, est très bien disposé à l'égard de l'innovation technologique.

Bibliographie

[Breton] Philippe Breton. Histoire de l'informatique. La Découverte. 1987.

[Negroponte] Nicholas Negroponte. L'homme numérique. R. Laffont. 1995. Les indications de page sont données à partir de la seconde édition anglaise de Being digital)..

[Randell] Brian Randell et Maurice Daumas. La filiation des machines à calculer contemporaines. In M. Daumas, Histoire générale des techniques, tome 5, partie 3, chap. 4, p. 434-473.. PUF. 1996.



[15] Source OCDE, citée par [Breton], p. 183. Précisément, IBM représente 66% de la production mondiale en 1962, 50% en 1967. En 1967, IBM et les sept autres plus grands constructeurs étatsuniens (les « sept nains ») représentent ensemble plus de 91% de la production mondiale.

[16] Il est vrai qu'il ne pèse que 110 kg.